Le pays où on ne parle plus

Publié le par Crystal

Une chose qui me frappe: dans tout ce que je vis, mes échanges, mes rencontre, il semble manquer la profondeur de la communication véritable, c'est-à-dire la possibilité d'évoquer ce qui nous touche vraiment, ce devant quoi nous ne pouvons pas être indifférents, ou adopter une attitude supérieure et détachée.

Il me semble qu'aujourd'hui on n'ose plus dire les choses, ou même penser à les dire, et peut-être même les penser tout court. La communication devient de plus en plus superficielle, on se trouve de plus en plus dans un rôle neutre, confortable, dénué de sentiments, et qui nous protège de la remise en question.

Qui a dit que la vie devait ou pouvait être façile, sans blessures, sans mise en danger ? Ceux qui ont encore le privilège d'exprimer des sentiments, les artistes, diront sans doute qu'on ne peut pas réellement créer sans se mettre en souffrance. Et les moments où on a réellement vécu nous restent toujours comme des moments où l'on a pas vraiment tout compris...

Ce qui mérite vraiment d'être exprimé, c'est ce qui nous atteint au plus profond de notre intimité d'être sensible, d'être pensant, d'être faible par rapport aux obstacles et difficultés que nous rencontrons dans la vie, et surtout d'être seul et perdu dans une masse troublée et agitée par des problèmes dans lesquels on ne distingue aucun fil directeur, aucun principe auquel on puisse se raccrocher.

Il nous manque de pouvoir admettre que nous ne sommes rien d'autre que ce que les autres voient en nous, qu'en toute lucidité nous devrions être totalement présents à chaque instant de notre vie, sans penser au passé ou à l'avenir, juste là avec qui que ce soit qui se trouve en face de nous à ce moment-là. Nous passons notre vie à nous fuir nous-mêmes dans notre fuite de l'autre.

La vie pourrait encore être simple, mais il nous semble devoir créer une aura de mystère, une fausse complexité, une façon d'inventer beaucoup d'excuses qui nous feront gagner du temps pour ne pas admettre qu'au fond nous sommes profondément vides. Qui aujourd'hui parvient encore à donner du sens à ce qu'il fait, à part les adolescents partis sur de vaines quêtes du sublime ?

Le monde manque d'intimité, de pouvoir être ensemble sans rien avoir à se dire, sans baratin, juste à ressentir la présence bienveillante de l'autre, sentir son regard posé sur soi, et savoir qu'il sait. Ce serait pourtant la chose la plus précieuse du monde, au delà de tous les Saint-Graal obsessionels que l'on ramène toujours dans la relation avec autrui.

Et ainsi le rapport social prend la forme d'une fuite perpetuelle, devant soi-même et devant cet autre qui nous dérange, qui nous rappelle que nous vivons, devant sa présence qui empiète sur notre espace vital.

 

Qui saura briser les chaînes de la solitude ?

Publié dans Reflexions

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