Politique et religion

Publié le par Crystal

Dans leurs discours, et ce quel que soit leur bord, nos leaders justifient souvent leurs décisions par des arguments moraux, des questions de valeurs. Or il n'y a pas besoin de réfléchir longtemps pour se convaincre que la moralité n'a rien a voir avec la politique.

En réalité, les décisions politiques sont le résultat d'un ensemble extrêmement complexe de négociations économiques et sociales auquelles participent tous les acteurs de la société, dans la mesure du poids, en termes concrets, qu'il font peser sur l'avenir. Croire que ce processus a quoique ce soit à voir avec une quelconque vertu morale, cela me semble évidemment être d'une grande naïveté.

Bien sûr, il y a les militants, et plus généralement les électeurs, qui agissent par conviction. Forcer les dirigeants à agir humainement est certainement une noble cause, mais en général ceux qui l'épousent n'en ont pas pour leur investissement, ni même pour leur argent.

D'ailleurs, si on a séparé l'Eglise de l'Etat, c'était bien dans le but que l'idéologie n'ait plus, ou ait moins, son mot à dire dans les décisions politiques. Il faut reconnaître que la plupart des décisions prétenduement morales ne le sont que d'un certain point de vue et pour une certaine partie de la population. En tant qu'êtres humains, nous avons tendance à croire exactement ce qui nous arrange.

Je me demande si, depuis Robespierre, il y a eu en France des hommes politiques qui étaient réellement convaincus de leur cause. La plupart d'entre eux n'auraient probablement pas mis leur vie en jeu pour accomplir leur mission, quoiqu'on connaisse des exceptions. Et si l'égoïsme et l'instinct de conservation ont quelque chose à voir avec la politique, on ne peut guère parler de conviction.

Finalement, ceci est peut-être une bonne chose. Après tout, on a souvent vu au cours de l'histoire des leaders fanatiques provoquer des désastres avec l'intention de changer le monde. Souvent les plus illuminés sont aussi les plus dangereux. Mais dans ce cas, il vaudrait mieux reconnaître une bonne fois pour toutes que la politique n'est pas une affaire d'idées.

Publié dans Politique

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F
<br /> "La république était à mon sens conçue comme un système rationnel et non pas comme un produit de l'hystérie collective , avec l'exception possible de l'action même de l'avoir mise en place "<br /> <br /> Hystérie collective? Sans tomber dansla névrose des psychiatres, mais à nous contenter de la définition "grande excitation, agitation bruyante" , il nous faut en effe tadmettre que bien souvent<br /> -toujours peut-être?- la république naît d'une grande agitation populaire, puisqu'elle est cette "forme de gouvernement où des représentants élus par le peuple sont responsables devant la nation",<br /> comment pourrait-il en être autrement ?<br /> <br /> Mais après cet accouchement, rarement facile, elle se doit d'être "un système rationnel et non pas un produit de l'hystérie collective" qu'une autre hystérie collective du même ordre que la<br /> première suffirait à remettre en cause, voire à renverser. L'actualité récente est à ce point révélatrice.<br /> <br /> Un certain nombre de nos concitoyens (un nombre imposant pour les uns, conséquent pour les autres) se sont opposés violemment au gouvernement de la république, mais cette violence verbale ne<br /> metteit nullement en cause le principe même de notre République, sauf peut-être pour certains extrémistes, d'ailleurs ainsi considérés par ceux-là même qui manifestaient leur opposition au<br /> gouvernement légalement en place.<br /> <br /> Les Français dans leur ensemble sont de vrais républicains, on pourrait même aller jusqu'à dire que la dernièr ehystérie collective (dans le sens évidemment de grande agitation populaire), loin de<br /> nuire à ce sentiment d'appartenance,le renforcerait si c'était nécessaire.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Merci pour votre critique constructive.<br /> <br /> <br /> Après réflexion, il me semble qu'un système démocratique, s'il n'est pourtant pas une réalisation de l'hystérie collective, s'appuie toujours néanmoins sur celle-ci comme ensemble de forces<br /> politiques à l'état brut.<br /> <br /> <br /> La première mission d'un gouvernement républicain, ce serait donc de parvenir à canaliser et à rationaliser la volonté politique d'individus autrement isolés. Pour faire une analogie, un ami<br /> instituteur dans une "petite classe" disait: "Quand on arrive à avancer un peu, c'est déjà bien. Le plus souvent on tente de faire en sorte que ce ne soit pas le chaos.". Il me semble que le même<br /> mécanisme se reproduit à l'échelle d'une nation constituée d'individus beaucoup plus raisonnables mais beaucoup plus nombreux.<br /> <br /> <br /> Il est vrai que la plupart des Français sont républicains, mais sommes-nous à la hauteur de ce besoin de structuration sociale, alors même que les interêts des forces politiques en jeu divergent<br /> au plus haut point ? Je trouve qu'il devient difficile de parler de politique de façon raisonnable, et cela même avec ceux qui partagent essentiellement notre sensibilté. Que dire alors en ce qui<br /> concerne la nation dans son ensemble ?<br /> <br /> <br /> Tout cela me semble être le produit d'un système où l'affirmation pure est mise en avant par rapport à la critique, la concertation et la réflexion. Observer un débat télévisé entre les grands<br /> représentants des partis majeurs suffit à s'en rendre compte.<br /> <br /> <br /> Espérons à tout le moins que la volonté de vivre en paix sera suffisante pour mettre un terme à l'escalade des violences politiques. Mais dans cette démarche on ne peut faire l'économie du débat.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Curiosité informatique dans la transmission, certains mots ont du mal à passer entièrement, ce qui fait qu'on ne retrouve pas tout le commentaire avec son orthographe correcte, mais peu importe,<br /> l'esentiel est dans le fond, non dans la forme. Quant au copier/coller impossible,on arrive à s'en sortir par le biais de l'imprimante. Cela vaut la peine qu'on se donne, tant votre blog me semble<br /> intéressant.<br /> <br /> "Le mystique a tout de même quelque chose à faire dans nos vies". Si vous le permettez, j'aimerais revenir sur ce mot, mystique, lequel me semble faire appel, exclusivement peut-être, à des<br /> sentiments religieux, bien que le mystique,lêtre lui-même, me semble de tout temps mal considéré, ou au moins mal compris, par les religieux traditionnels, tant il sorte du respect des rites,<br /> lesquels sont fondamentaux dans toute religion établie.<br /> <br /> Or, à mon sens,la religion n'est qu'un passage, fréquemment employé mais non obligatoire, vers le spiritualité, elle en est sans doute un chemin, mais pas le seul. En tout cas, elle n'est pas un<br /> but en soi, comme semblent le penser bon nombre de fidèles pratiquants.On peut -on doit?- aller au delà de la religiosité, et c'est peut-être pour cela qu'il existe des mystiques qui recherchent<br /> des certitudes ailleurs que "dans celles qui viennent de l'extérieur", extérieur palpable en quelque sorte, en l'occurrence de la religion dont ils se dégagent ainsi.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> En réalité lorsque je parlais de "mystique", je ne faisais pas référence à la pratique du mysticisme, mais plutôt à l'ensemble des schémas et croyances que nous suivons bien qu'ils soient pour<br /> nous du domaine de l'inexpliqué voire même de l'impensable.<br /> <br /> <br /> Justement, pour autant que je sache, le mysticisme, c'est de développer une relation avec ces fondements de notre personnalité et ainsi de les rendre pensables -- un travail laborieux et par<br /> nature perillieux. Mais ce qui est interessant dans le contexte de cette discussion, c'est que ceux qui s'y livrent semblent obligés pour cela de remettre en question toute adhérence à une église<br /> ou une idéologie quelle qu'elle soit.<br /> <br /> <br /> Dans mon idée, cela signifie que ces institutions véhiculent des concepts que je persiste à appeler "mystiques", c'est-à-dire des contenus inconscients, qui en font la fondation. Et sauf<br /> peut-être au prix d'une introspection qui paraît pour beaucoup excessive, il semble difficile de s'en libérer entièrement. Nous sommes donc peut-être, pour philosophes que nous sommes, dans le<br /> même temps en quelque sorte croyants...<br /> <br /> <br /> Néanmoins li existe une différence entre un croyant et un fanatique: l'un peut admettre que ses préjugés ne sont pas universels, l'autre non. Ce qui rend la vie politique invivable, ce n'est pas<br /> que les individus croient ce qu'ils croient, c'est le rejet violent des autres croyances.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Permettez-moi d'abord de regretter de ne pouvoir faire de copier/coller de votre texte afin de pouvoir y faire un commentaire en l'ayant sous les yeux, ce qui me permettrait de le seer au plus<br /> près.<br /> <br /> "Je me demande si, depuis Robespierre, il y a eu en France des hommes politiques convaincus de leur cause...", mais Robespierre lui-même l'était-il? Je veux dire de manière permanente, sans jamais<br /> avoir le moindre doute sur ce qu'il considérait comme une missio sacrée? Peut-être, mais je suppose et espère que non, qu'en tant qu'être humainil se libérait de temps à autre de ses profondes<br /> convictions, sans quoi il n'aurait été qu'un fanatique, un illuminé à jamais soumis à ce que d'autres appelleraientl'instint, cette incapacité à sortir du moule dans lequel il aurait été créé. Pe<br /> ser, c'est douter, être soi. Avoir de profondes convictions, c'est bien aux yeux des autrespour les motiver, les entraîner, mais ne pas être capable de les mettre en doute, c'est fatal à l'esprit<br /> humain...tout le drame des religions qui vont chercher ailleurs les motivations, des religions comme toute autre forme de dogmatisme inconditionné.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Vous avez raison, je ne connais pas suffisamment le personnage de Robespierre pour pouvoir en toute certitude porter ce jugement. Disons simplement que dans ma représentation, son action indique<br /> qu'il ne pouvait pas se permettre de douter de la nécessité de l'oeuvre révolutionnaire, au point que sa propre survie paraissait complètement secondaire. Cela ne me semble pas illogique dans la<br /> mesure où le rejet de l'ancien régime était une condition préalable à la possibilité de choisir (politiquement du moins) elle-même. Mais cela reste mon interprétation.<br /> <br /> <br /> De toute façon, le doute est nécessaire au choix. Mais d'un autre côté il y a beaucoup de choses qu'un être humain donné ne remet jamais en question, ce qui me pousse à penser que le mystique à<br /> tout de même quelque chose à faire dans nos vies. Au moins peut on espérer vivre dans ses propres certitudes et non dans celles qui nous viennent de l'extérieur.<br /> <br /> <br /> Quoiqu'il en soit, ce que je voulais dire, c'était que la république était à mon sens conçue comme un système rationnel et non pas comme un produit de l'hystérie collective; avec l'exception<br /> possible de l'action même de l'avoir mise en place.<br /> <br /> <br /> Merci de votre remarque, au plaisir de dialoguer à nouveau.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> J'ai l'impression que ta définition de la moralité s'est restreinte à la spiritualité religieuse et à une sorte de culture qui en découle.<br /> Mais la moralité c'est quelque chose d'un peu plus vaste, mon point de vue :<br /> A l'origine de tout les temps (très loin dans le passé), les humains étaient des animaux sociaux, ils se pensaient en fonction de la tribu à laquelle ils appartenaient. Du coup, chacun pensait<br /> "survie du groupe" en plus de sa propre survie, ce qui fait qu'un individu fort possède un instinct de protection des plus faibles, dans l'intérêt du groupe. Les individus protègent et sont<br /> protégés, mais ça n'est pas pour eux un simple calcul, car ça implique une très forte dimension affective.<br /> <br /> Aujourd'hui on n'appartient plus à une seule tribu mais à plusieurs groupes subits ou choisis (famille, entreprise, syndicat, religion, association,...), des groupes que l'on connait et dont on<br /> maîtrise les codes. L'instinct de protection existe toujours envers ces groupes, si nos enfants sont dans la détresse, si notre entreprise est en faillite, si notre association est attaquée par<br /> l'opinion publique, on donnera beaucoup d'énergie pour sauver la situation, car on sera affectivement impliqué.<br /> Par contre, le groupe "état-nation", très vaste, est difficile à cerner pour un individu isolé. Il ne connait personnellement qu'une infime partie des personnes qui composent le groupe, il devrait<br /> avoir du mal à s'identifier comme en faisant part. Mais grâce à une certaine capacité d'abstraction, il peut ressentir cette appartenance.<br /> <br /> Les "valeurs morales", ce sont les restes (parfois déformés et réinterprétés) de l'instinct de protection au sein d'une tribu, rapportés à un groupe plus vaste. Par ailleurs si les idéologies, les<br /> religions ou autres groupes spirituels revendiquent des valeurs morales, celles-ci ne sont pas leur exclusivité.<br /> <br /> Comme la politique est la gestion de l'état (organisation de la cité), elle implique forcément ces valeurs morales (dont la protection des enfants, des anciens, des malades, des chômeurs soit des «<br /> inactifs » en général).<br /> Ça ressort dans l’organisation de l’état en général (les lois, les institutions visant à protéger les plus faibles) et dans les sollicitations des politiciens vers leurs électeurs. Que ces<br /> sollicitations soient honnêtes ou non, on voit souvent la stimulation du sentiment d’appartenance au groupe et de l’instinct de protection.<br /> Que se passerait-il s’il n’y avait pas une dimension affective (dite humaine) dans l’implication des électeurs pour la politique ? y aurait-il seulement une implication ?<br /> <br /> <br /> Voilà je vais dormir (suite + tard)<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Tu as raison, la population soutient le système en partie parce qu'il est, ou au moins semble, moral dans le sens de la survie de l'espèce.<br /> <br /> <br /> J'ajoute que pour moi, en plus de la protection de la tribu, il y a aussi dans nos instincts la protection de l'humain en général, ce que j'explique par le fait que l'humanité primitive avait a<br /> lutter contre la nature et que de ce fait, une présence humaine même étrangère était tout de même encourageante. J'imagine que c'est cet instinct qui nous pousse parfois à défendre des causes<br /> humanitaires.<br /> <br /> <br /> Mais je maintiens tout de même que cela ne vaut que pour l'individu moyen, et que sous leur casquette de leader, les dirigeants sont amenés à regarder les problèmes sociaux d'une façon beaucoup<br /> plus abstraite et dénuée de sentiments. Il s'agit de faire des choix qui profiteront à certains au détriment de certains autres. A la rigeur l'appartenance à un groupe pourrait peser dans leur<br /> choix, mais ce n'est certainement pas ce qu'on attend d'un dirigeant.<br /> <br /> <br /> Tout ça pour dire que si les citoyens voyaient la politique telle qu'elle est au lieu de se laisser berner par des jugements de valeurs (qui au demeurant peuvent être transformés à loisir par le<br /> biais des monopoles de la culture), les choses se passeraient peut-être autrement.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> La politique et la morale ne sont point compatibles. La morale ne sert que pour justifier a posteriori les décisions prises pour des motifs purement politiques. La décision politique ne se base que<br /> peu sur la morale et elle est surtout prise en fonction des engagements politiques et surtout des convictions personnelles. Elle relève du raisonnement de l'homo politicus. On peut se baser pour<br /> comprendre ce raisonnement sur la théorie économique libérale mettant en avant la raison de l'individu et sa recherche de l'utilité.<br /> <br /> <br />
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