Politique et religion
Dans leurs discours, et ce quel que soit leur bord, nos leaders justifient souvent leurs décisions par des arguments moraux, des questions de valeurs. Or il n'y a pas besoin de réfléchir longtemps pour se convaincre que la moralité n'a rien a voir avec la politique.
En réalité, les décisions politiques sont le résultat d'un ensemble extrêmement complexe de négociations économiques et sociales auquelles participent tous les acteurs de la société, dans la mesure du poids, en termes concrets, qu'il font peser sur l'avenir. Croire que ce processus a quoique ce soit à voir avec une quelconque vertu morale, cela me semble évidemment être d'une grande naïveté.
Bien sûr, il y a les militants, et plus généralement les électeurs, qui agissent par conviction. Forcer les dirigeants à agir humainement est certainement une noble cause, mais en général ceux qui l'épousent n'en ont pas pour leur investissement, ni même pour leur argent.
D'ailleurs, si on a séparé l'Eglise de l'Etat, c'était bien dans le but que l'idéologie n'ait plus, ou ait moins, son mot à dire dans les décisions politiques. Il faut reconnaître que la plupart des décisions prétenduement morales ne le sont que d'un certain point de vue et pour une certaine partie de la population. En tant qu'êtres humains, nous avons tendance à croire exactement ce qui nous arrange.
Je me demande si, depuis Robespierre, il y a eu en France des hommes politiques qui étaient réellement convaincus de leur cause. La plupart d'entre eux n'auraient probablement pas mis leur vie en jeu pour accomplir leur mission, quoiqu'on connaisse des exceptions. Et si l'égoïsme et l'instinct de conservation ont quelque chose à voir avec la politique, on ne peut guère parler de conviction.
Finalement, ceci est peut-être une bonne chose. Après tout, on a souvent vu au cours de l'histoire des leaders fanatiques provoquer des désastres avec l'intention de changer le monde. Souvent les plus illuminés sont aussi les plus dangereux. Mais dans ce cas, il vaudrait mieux reconnaître une bonne fois pour toutes que la politique n'est pas une affaire d'idées.